Si je devais me présenter, je dirais simplement musicien. Les gens qui me connaissent ajouteraient probablement : artiste, compositeur, professeur, bohême, pêcheur…
Je suis né de parents ingénieur et économiste, et j’ai connu et aimé la musique auprès de ma mère qui me chantait, depuis ma plus petite enfance, des chansons traditionnelles. À l’âge de sept ans, j’ai eu mon premier instrument officiel – une guitare soldée, avec un palmier dessiné sur la table d’harmonie. C’est avec elle que je me suis inscrit à l’école de musique de Loznica. Plus tard, malgré le peu de valeur qu’elle avait, nous avons dû la vendre pour pouvoir en acheter une autre, meilleure. Les temps étaient tels qu’on ne pouvait pas se permettre d’avoir deux choses ayant la même utilité. Même aujourd’hui, je me souviens de cette guitare. Depuis ce moment-là, je n’ai plus vendu un seul instrument sans y être contraint.
À l’âge de quatorze ans, lors de différents concerts et festivals, j’ai été remarqué par des professeurs de Belgrade, où j’ai pu ainsi continuer mes études. Je me débrouillais d’une manière ou d’une autre et découvrais beaucoup de choses, mais c’est une autre histoire…
Trois ans et demi plus tard exactement, Roland Dyens, le fameux guitariste français, donnait un récital à Belgrade, dans la prestigieuse salle Kolarac, inoubliable pour moi ainsi que pour beaucoup des personnes présentes ce soir là. Le lendemain matin avait lieu une masterclass ouverte au public. Je me rappellerai toujours parfaitement bien, la force du silence absolu qui résonnait dans la salle comble de l’école secondaire de musique Mokranjac, lorsque ce Monsieur m’a demandé, après avoir entendu les trois minutes de mon interprétation du premier mouvement de la Sonate Méridionale de Ponce, de continuer mes études dans sa classe au célèbre Conservatoire Nationale Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP).
Il en fut ainsi. À l’automne 2005, j’arrivais à Paris avec trois valises pleines, un sac à dos et une guitare. Dès que je descendis de l’autocar et que les roulettes commencèrent à glisser sur le pavé du rond-point de la Porte de la Villette, la plus grande des trois valises céda d’abord à la poignée, puis complètement. La toile chinoise bon marché ne put tenir sous le poids des émotions parentales bourrées dans un tiers de mètre cube aux bordures en plastique recyclé de première qualité. Toutes les petites choses « en cas de besoin » se dispersèrent sur le pavé. Mais, pratiquement au même moment se manifesta la rédemption du pays le plus peuplé du monde pour la mauvaise qualité de son produit! Sorti de nulle part apparut un chauffeur de taxi chinois, qui ramassa avec moi ma modeste fortune, me conduisit à la Cité des Arts, adresse de mon nouveau foyer, et nous portâmes ensemble mes affaires jusqu’à la réception. Il voulait aider. Je vis dans son regard qu’à un moment de sa vie il avait dû se trouver dans une situation semblable. C’est ainsi que commença ma vie parisienne d’étudiant. Une merveilleuse période, mais, là encore, c’est une autre histoire…
Au cours de ces années d’étude en master au CNSMD de Paris, j’ai eu l’opportunité de passer un semestre au fameux Peabody Institute of The Johns Hopkins University, premier conservatoire de musique américain avec la première chaire de guitare sur ce continent. Une grande expérience et d’excellents professeurs – Julian Gray et Manuel Barrueco. Toutefois, j’ai compris alors que le charme de la vieille dame Europe, me convenait davantage.
En 2010, cinq ans après avoir ramassé les pots de miel et de confiture de ma mère, les bas de laine, photographies et notes de musique sur le rond-point, je suis devenu diplômé du célèbre CNSMD de Paris.
Ont suivis études pédagogiques et l’obtention du Diplôme d’État de professeur de guitare, un premier emploi permanent ; entrée dans la vie professionnelle et tout ce que cela comprend.
Et dans mon âme brûle encore ce même désir avec la même intensité qui couvait chez le petit garçon à la guitare décorée d’un palmier. Désir de créer, de s’exprimer, de donner, de se réaliser, désir de liberté, désir du LARGE.